Près du gouffre béant nous campons dans nos ruines,
Grouillant d’épouvante, tout comme la vermine,
Sous le joug oppressant de ceux qui nous gouvernent,
Sans distinguer l’intrus du résident pérenne.

Livrés à la débauche et noyés dans l’ivresse,
Pris dans les mensonges, vautrés dans la bassesse,
Ils persécutent les hommes de bonne foi,
Qui osent oeuvrer pour sortir du désarroi.

Le pouvoir fait confiance à des hommes de main,
Qui voient leur intérêt dans tous les biens communs.
Il les a submergés des flots de ses faveurs,
Et les a fait traîner comme queues de malheur.

Ne sait-il pas qu’il doit répondre de ses actes
Le jour du jugement, et sans qu’il se rétracte?
Quand on l’exhorte au bien, il devient arrogant,
Le prend ainsi de haut, vous taxe d’intrigant.

Malheur à ceux que la tyrannie indiffère;
Ils tournent en foyers de mal et de misère.
A force de fraude, pillage et gaspillage,
Il bâtit des palais pour tout son entourage,

Privant la nation de l’essentiel de ses sources,
Et le peuple de ses tarissables ressources,
Oubliant que par delã le bien et le mal,
L’esprit du diable du fond du gouffre s’exhale.(1)

(1) Les deux derniers vers reprennent l’idée développée par Nietzsche dans “Par delà le bien et le mal” qu’il a ainsi formulée:

“Celui qui combat les monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps dans l’abîme, l’abîme finit par regarder en toi”.

-- Friedrich Nietzsche