“La pensée d’un homme est avant tout sa nostalgie”
— Albert Camus – Le mythe de sisyphe.

Mon coeur est noyé de larmes du souvenir,
Tombant comme la pluie, chargées de repentir.
Je les eecueille comme autant de perles fines
Pour sertir la prose qu’en vers je te destine.

La flamme des vieux jours s’est encor allumée
Oh! que c’est consternant de se voir abîmé.
Je me sens étreint par une profonde angoisse
Qui, sans lâcher prise, me harcèle et me froisse.

Jamais les caprices du sort n’ont eu raison
De mon esprit au point d’en perdre la raison.
Pourquoi donc à présent ne suis-je pas en mesure
D’affronter un péril de bien moindre envergure?

Qu’il est triste mon coeur pourfendu qui surgit.
Mes côtes brûlent du feu de la nostalgie.
Je n’en peux plus, je suis rongé par les soucis;
Angoissé, mon champ de vision s’est rétréci.

Et pourtant, je fais peu de cas du mauvais sort
Et néglige les petits riens de prime abord.
Mais c’est surtout les plus grandes calamités
Qu’il m’est difficile de pouvoir surmonter.

Comment puis-je endurer dans un tel désarroi
l’éloignement qu’on me fait subir malgré moi?
La nuit, quand il fait noir, occupent mon esprit
De funestes tourments qui soudain se replient.

Chaque fois que l’esprit me dit qu’ils sont partis,
Les voilà de retour plus forts et pervertis.
La douleur me poursuit partout comme mon ombre,
Enfonce ses griffes dans un coeur des plus sombres,

Risquant de me porter un grave préjudice,
Si elle n’en finit pas d’exercer ses sévices.
Sera-t-elle vraiment la cause de ma mort,
Mettant ainsi un terme à un terrible sort?

Que ne sonne-t-elle le glas de mon destin
J’attends qu’elle exerce son funeste dessein!
L’intime conviction que j’ai me fait penser
Que mes amis croient que je les ai délaissés.

Mais ils ne savent pas que je les ai quittés
A contre-coeur, l’esprit gros et mouvementé.
L’angoisse tracasse mon esprit en exil
Soulève monts et vaux, annonçant mon péril!

Si je pouvais savoir ce qu’un pareil périple
Allait me causer de difficultés multiples,
C’est pour les réunions d’amis que j’eusse opté,
Mais un sort sans merci l’a ainsi décrété,

En fondant son verdict sur des motifs banals
M’assénant en plein coeur un coup des plus fatals
Auquel je ne pus me dérober, fût-ce pour
chercher refuge au sein du ciel qui nous entoure.

Je ne puis nullement soulever le rideau
Sur le sort inconnu qui nous mène en bâteau,
Pour voir dans ses verdicts où se trouve le bien,
Où se trouve le mal, où est le bon soutien!

En remontant jusqu’à l’ère préhistorique,
Cette prétention sert des visées maléfiques.
Par pitié, faites-moi grâce de tout ceci.
Mon crédo est que le destin est sans merci.

Je ne voudrais citer que le Livre Sacré
Et la Tradition du Prophète vénéré,
Dont les enseignements, soumis à réflexion,
Fournissent toutes les preuves à conviction.

Voilà que cet écrit rédigé avec goût,
D’un style très sobre, d’un arôme très doux,
Est parvenu jusqu’à cette terre lointaine,
Chantant l’air de notre très ancienne rengaine.

Si un autre que moi l’eût bien approfondi,
Il eût été séduit et plus qu’abasourdi.
Mais, en pénétrant tous les secrets qu’il contient,
Je ne puis retenir un sanglot qui m’étreint,

Ni le désir d’en finir avec une vie
Qui ne vaut guère la peine d’être subie.
Les larmes me voilent les yeux insomnieux
Et tracent sur les joues des cours impétueux.

Comment mettre un terme aux larmes du souvenir
Qui coulent sans tarir, refusant d’obéir.
Plus je blêmissais et plus je tremblais de rage,
Plus ma désolation grandissait davantage.

Malgré moi, mon drame m’a pris dans mes entrailles,
Les serrant de ses doigts comme avec des tenailles.
Je ne comptais bien sûr pas au nombre de ceux
Dont l’esprit s’afflige et n’est jamais très heureux.

Mais les évènements pour le moins implacables
Asservissent l’homme qui se veut intraîtable.
Ma muse m’a quitté, trahi et déserté,
Elle qui de grâce à mes ordres s’apprêtait.

Que de mes poèmes ont dû livrer bataille
Et mériter plein de lauriers et de médailles!
Que de positions j’ai prises pour éclaircir
Ma démarche qui m’a incité à bâtir

Devant ma muse une imprenable forteresse,
Pour lui épargner les erreurs et maladresses.
J’ai dressé maint bouquet de suave senteur
Pour immortaliser un instant de bonheur.

Que de fois, je l’ai peint comme un dieu de l’amour,
Et les hommes se sont prosternés tout autour.
Comment se fait-il qu’il m’ait alors déserté,
Troquant pour l’insoumission la docilité?

Croit-il donc que je mène une vie retirée,
Et que mon blason ne sera pas redoré?
Que non! J’ai en l’ami Hajoui un soutien
Ainsi qu’un vieil appui renforçant tous mes liens.

Armée de poètes, déposez donc les armes,
Soumettez-vous et retenez toutes vos larmes.
Depuis qu’il a été mon vaillant bouclier
Et bras droit, je brave tous vos assauts guerriers.

Ne me prête-t-il pas main forte quand je perds
l’espoir et que mon sort ne passe au vain travers?
C’est une perle vraie et de la très belle eau,
L’ami sur qui compter lorsque l’on tombe à l’eau.

Ses idées, reflet de la clarté du soleil
Quand le jour se lève et que la vie se réveille,
Permettent de ranger plein de sertis précieux
Rivalisant avec tous les astres des cieux.

Il ne fuit jamais ses responsabilités,
Quand il s’agit d’affronter les calamités.
Il n’est pas de ceux qui cherchent un passe-temps
Au fond de l’inconscient, avec l’esprit flottant.

Etoile qui scintille au ciel de l’amitié,
Tu es l’astre qui luit et brille sans fierté,
Celui qui voit juste et embrasse presque tout,
Qui a, dans les idées, une suite d’atouts.

Tu offres, qui plus est, l’utile compagnie,
Qui déconcerte amis et proches réunis.
Quand on est pur par sa fière et noble origine,
On se hisse jusqu’à la cime des collines.

Je donnerais tout pour l’ami sûr qui a su
De tout temps faire de nécessité vertu.
Les hommes doués de tes grandes qualités
Font déborder tous les coeurs d’affectivité,

Et font ressentir une profonde émotion
Qui donne l’impression d’être pris de boisson.
Loin du pays, l’esprit pense toujours à toi,
Fixe ton image qu’un bel astre renvoie.

Ta conduite te fait ignorer la langueur
Tu t’es abreuvé aux sources de la grandeur.
Tu es né sous l’étoile de bien des vertus,
Qui t’ont inculqué l’idéal de l’absolu.

Je salue en toi le compagnon dévoué,
Qui m’a choisi comme mandataire avoué.
Je brûle du désir d’être tout près de toi,
Afin de ressentir un agréable émoi.

J’ai perdu patience et, passant tout au travers,
J’exhale des soupirs que je t’envoie en vers.
Peut-être sauras-tu ce que l’éloignement
Me fait endurer de calvaire et de tourments.

Transmets mon affection à notre ami Hassan,
Qui improvise des vers l’âme à l’avenant.
Ma sympathie pour lui grandit quand je perçois
Un garçon séduisant, aux yeux gris et narquois.

A Ali le salut amical que j’envoie
Est répétitif et dépasse les dix fois.
Je ne sais si Dieu veut bientôt nous réunir
Pour que nous pardonnions au sort de nous trahir.

Sinon, qu’il serait bien pénible d’affronter
Les injures du temps durant l’éternité.
Il suffit de placer tout son espoir en Dieu
Pour qu’on s’abrite de la colère des cieux.