Imprimer

“Lorsqu’une société humaine se sait vulnérable ou à l’agonie, elle cesse de proposer ses valeurs et les impose par la force ou par un arsenal juridique abusif”.
— Romain Guilleaumes – 1963

Aucun bien ne s’obtient ici-bas sans déboires,
Ni l’eau, source de vie, n’est toujours bonne à boire.
La nappe phréatique infestée de souillures,
Fournit une eau qui n’est ni limpide ni pure.

Tantôt les hommes sont des éperviers rapaces,
Tantôt des agneaux qui craignent le loup vorace.
Le faible se soumet à la loi du plus fort
Et le fort se plaît à toujours faire du tort.

Les hommes se livrent des combats fratricides
Ou courent vers la ruine à qui le plus rapide.
En ne faisant pas cas du sort de ses sujets,
A trop les négliger, on s’expose au rejet.

Quand on persiste dans le noir aveuglement,
On récolte rancoeur et mécontentement.
On n’est plus accueilli par une foule en liesse,
Qui exulte dans un grand transport d’allégresse.

Ecrasé de mépris et tout couvert d’opprobre,
Il est haï par ceux, réduits à la vie sobre,
Qui lui attribuent les pires des méfaits,
Sans lui reconnaître un brin de tous ses bienfaits,

Quand la lie du peuple, déçue, tourne casaque,
Mettant tout le pays à feu, à sang, à sac.
Ainsi faite est la vie; ainsi sont les humains,
Ne dit-on pas qu’elle est un ami faux et vain?

Elle est pourtant aimée, malgré son air morose,
Qui inspire l’émoi, ne sent guère la rose.
Les hommes sur terre sont de vrais loups garous,
Qu’on voit partout hurler au milieu des chien-loups.

Mais quand la bergerie est gardée par le loup,
Le troupeau se résigne à lui tendre le cou.
Les hommes de tout temps ont formé deux rangées,
Entre reconnaissants et ingrats partagés.

Je vois des gens trompés à leurs trompeurs mêlés,
Victimes de leur ruse et comme ensorcelés.
Je vois de vrais tyrans qui inspirent la crainte
En se ralliant le peuple par la contrainte.

Nous avions donc besoin d’un arsenal de lois,
Servant à la fois de frein et de contrepoids
Au pouvoir tyrannique et qui le dissuadent
D’agir sévèrement à la moindre incartade,

Et porter préjudice aux victimes d’abus
Qu’on exploite sans cesse et qu’on jette au rebut.
Ils ont institué les règles du pouvoir
Traçant la voie qui aide à sortir du trou noir.

Ils ont fondé l’espoir d’être bien gouvernés
Et placé à leur tête un prince chevronné
Pour faire respecter ses bornes à chacun
Préservant le droit du pauvre et de l’orphelin.

C’était l’ère où le prince en son âme et conscience
Etait juste et craignait la divine sentence.
Ainsi en fut-il quand celui-ci faisait preuve
D’une sagesse et d’un courage à toute épreuve,

Quand il craignait Dieu en public et en secret,
N’étant par rapport au droit jamais en retrait,
Quand l’Islam était ainsi à son apogée,
Et que les consciences étaient bien dirigées,

Quand les tyrans avaient les deux ailes coupées
Et que les gens vivaient dans l’ordre et dans la paix.
Mais les caprices ont détruit le corps social,
Tel l’os pourri que ronge un incurable mal.

Notre conduite est comme un vrai trait de lumière
Qui éclaire un instant puis disparaît dans l’air.
Nous sommes la proie du pouvoir qui nous gouverne,
Tolère la fraude et en pauvres nous malmène,

Nous faisant redouter les tyrans de tous bords,
Qui abusent du peuple en jouant les mentors.