Imprimer

“Les femmes préfèrent être belles plutôt qu’intelligentes parce que, chez les hommes, il y a plus d’idiots que d’aveugles”
— Yvonne Printemps.

J’ai composé les deux poèmes suivants au lendemain de l’indépendance en 1955, critiquant certains aspects inacceptables de l’émancipation trop rapide de la femme marocaine et de la dégradation des moeurs qui en a découlé.

La femme ou l’humeur capricieuse

Ne subit des femmes les caprices fatals
Qu’un faible d’esprit ou un débile mental,
Ou un ensorcelé par leurs traits captivé,
Qui voit dans leurs attraits le soleil se lever.

A ses yeux leur salive est du miel raffiné,
Ou de l’éden perdu du nectar butiné.
Leurs propos licites et toujours envoûtants,
Traîtent de domaines pour le moins excitants.

De toutes leurs idées, de celles explicites
Retiens une pincée de sel fin par marmite.
Celui qui en elles voit quelque compétence
Hormis leur parure, fait fi de tout bon sens.

Leur souci est de se refaire une beauté,
Non de répondre aux devoirs de maternité.
Elles passent leur temps à ramasser des miettes,
Evoquant les plaisirs d’une voix fort fluette.

Elles sont séduites par l’état d’un tissu
neuf de couleurs qui font pâlir leurs détritus.
Elles se fardent d’onctions, de produits de beauté,
Dressent leur houppette sur leurs cheveux nattés.

Tels sont les soucis qui leur prennent tout leur temps,
Et leurs occupations de presque chaque instant.
Demandez-leur de vous communiquer leur âge;
Elles en réduiront le tiers ou davantage.

Quand on les contredit, elles ont de grands airs,
Et leurs yeux de braise s’enflamment de colère.
Les cheveux grisonnants, elles se font passer
Pour de jeunes vierges au pas toujours pressé.

Mais en négligeant leurs propres garçons et filles,
Elles sont accusées d’abandon de famille.
Leurs enfants grandiront dépourvus d’affection,
Tels des bijoux rangés sans autre précaution.

Ils vivront à l’écart, repliés sur eux-mêmes,
Sans qu’ils sachent si la vertu rend blanc ou blême.
Leurs mères admirent l’éclat de leur beauté
Tel Narcisse aimant voir sa taille bien sculptée.

Ne ressemblent-elles pas à ces villageoises,
Frêles comme de très minces feuilles d’ardoises?
Elles sont cependant bien fières de leur port
Cherchant dans leur stature un bien maigre support.

La femme ou l’éclair de malice

Depuis la nuit des temps, elles ont fait valoir
L’éclair de malices qui est en leur pouvoir.
Tout ceci résulte du don de séduction
Hérité de nos plus anciennes traditions,

Acquis du temps de leur toute prime jeunesse,
Et qui s’envolera lorsque jeunesse cesse.
C’est ainsi qu’elles ont pu séduire des coeurs
Attirés par l’esprit câlin et enchanteur

Et une voix d’une très belle intonation
Et d’une très grande aisance d’élocution.
Interrogez notre mère que le maudit
satan a chassée des jardins du paradis.

Elle vous apprendra le conte universel
D’un défi devenu la faute originelle.
Elle nous a indiqué le chemin du péché
Injuste et inique, de méfaits entâché,

Nous répondrons de ce péché le jour dernier
Pour cueillir le prix du forfait à expier.
Si elle avait l’esprit moins frivole et plus sage,
Dieu l’aurait épargnée de cet ignoble outrage.

Elle eût dû afficher un peu plus de décence
Par crainte des sanctions et de la déchéance.
Elle était dans une totale distraction,
Source du mal et de toutes les tentations.

Elle a ainsi chuté dans l’enfer du malheur,
Victime d’envies et de désirs ravageurs.
Cette chute est le fruit d’une attitude feinte,
D’un geste spontané, non mû par la contrainte.

Si elle était docile et avait peur de Dieu,
Il ne l’eût point chassée de l’empire des cieux.
Voilà pourquoi Il prit une telle sanction
Et garda le secret de Sa résolution.

Nous devons obéir en toute humilité
Au Seigneur Suprême qui a tout décrété.
Ne dis pas pourquoi ceci eut lieu ni comment,
Ni pourquoi l’être humain est voué aux tourments.

Je perds la raison et le sens de la logique
Dans cette évocation oh! combien laconique,
Mais les bras m’en tombent en poursuivant l’effort
De nager à vue sans arriver à bon port.

C’est ainsi que l’homme est sujet d’égarement,
Ne craignant de Dieu ni sanctions ni jugement.
Je fais donc appel à l’esprit de tolérance
Si mon cheval résiste aux coups quand je le tance.