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“C’est étonnant que la nuit te fait tressaillir,
Que tu te couches les os tremblants de délire
Et que ton coeur cherche vainement à dormir
Du sommeil du juste avant que tu expires.
Où est l’ami, le compagnon de tes soupirs!”
— Ilya Abou Madi.

A Abou Madi, va, sans tarder, cours et vole;
Laisse-toi bercer par le flot de ses paroles,
Afin d’y recueillir perles et solitaires,
Peu importe que ce soit en prose ou en vers.

Va t’altérer au doux néctar de ses “Ruisseaux”, [1]
Où le génie porte l’empreinte de son sceau.
Cours pour t’enivrer à l’ombre de ses “Bosquets” [2]
Où pétille un vin des plus sophistiqués.

Nous ferons revivre une époque révolue
Où nous avons des droits qui nous sont dévolus.
Allons-nous voir un bon augure favorable
Prédire un présage avenant et affable?

Allons-nous trouver un visage plein de grâce,
Ou bien le mal y a -t- il laissé quelques traces?
Le voir est un honneurque l’on peut, au surplus,
Garder en mémoire et l’apprécier encor plus.

Toi qui es le but de notre pélerinage,
Dont nous allons garder une très bonne image,
Réponds à cet appel et ouvre-nous la porte,
Pour nous combler d’aise et de joie qui réconfortent.

Seigneur, c’est Ta grâce que nous sollicitons
Pour lui accorder une prompte guérison,
“Après la pluie”, le verbe a prescrit “le beau temps”
Dans le Livre sacré de Dieu l’Omnipotent.

Notre souhait est que les milieux littéraires
Ne manquent pas de tes écrits qui désaltèrent,
Et qui sont appelés à être publiés
Au “Samir”, ton journal “Compagnon de veillée”. [3]

Puisse Dieu exercer Sa grâce et Sa bonté
Pour préserver l’entrain de ta vitalité,
Afin de susciter des transports d’allégresse
Et provoquer des mouvements de foule en liesse.

Au cours de l’été 1957, j’ai rendu visite au poète libanais Ilya Abou Madi à son domicile à New York, où il luttait contre une grave maladie qui l’a emporté deux mois plus tard. Je l’ai trouvé habillé en robe chambre en train de m’attendre; et après m’être enquis de son état de santé, je lui ai présenté, en guise d’introduction à notre entretien, le poème ci-dessus.

* New York, le 27 Août 1957
* [1] Al Jadawel : recueil de poèmes composés en Amérique
* [2] Al Khamael : idem
* [3] Al Samir : Journal littéraire fondé par Ilya Abou Madi à New York

Poète libanais, né en 1890, ayant vécu jusqu’à l’âge de 21 ans entre le Liban et l’Égypte où il a composé ses poèmes de jeunesse qu’il a regroupés en 1911, à la veille de son émigration aux Etats Unis d’Amérique, dans un recueil intitulé: “En souvenir de Madi”. En 1916, il s’installe définitivement à New York et crée un journal littéraire du nom de “Samir” (Compagnon de veillée). Il rejoint le groupe des “Poètes du Mahjar” (Poètes émigrés) créé en 1912 par “Khalil Gibran” et “Mikhael Nouâyma” et participe activement à l’activité culturelle et aux publications de “l’Alliance de la plume” dirigée par Abdel Massih Haddad. Avec “Nasib `arida”, les deux poètes étaient de loin les meilleurs esprits créatifs de “l’école du Mahjar”. Après sa mort en 1957, il laisse derrière lui deux nouveaux recueils de poèmes: “Al Jadawil” (Les ruisseaux) et “Al Khamael” (les bosquets).