Toi qui renonces à ma bonne compagnie,
Pour quelle faute, quel délit tu me renies?

Au lendemain de nos relations d’amitié,
Portant les marques d’un dévouement entier,
Veux-tu me faire part de ta désaffection
Pour endurer l’épreuve de la contrition?

Ne prends pas cette vile habitude de boire
Pour masquer tes travers, au risque de déchoir.
La dive bouteille t’a détourné de moi
Et m’a laissé en proie à un très vif émoi.

Sans cette estime que je porte à ton égard,
J’eusse presque admis que boire est un art sans fard.
Tu cherches toujours la porteuse de l’amphore,
Pour trouver auprès d’elle quelque réconfort.

Par envie de gagner la bonté de ses grâces,
Tu renonces à tout ce qui sauve la face.
Si tu y es pris dans un accès de folie,
Viens, le calme sera aussitôt rétabli.

Si elle est ta seule et vraiment unique excuse,
Tu seras en lieu sûr, cajolé par les muses.
Tu n’auras à subir aucun amer reproche,
Et ne te feras pas prendre en mauvaise approche.

Tu es libre de te livrer à ton caprice
Pour savourer du temps les rapifes délices
Que rend à merveille la poésie lyrique
En perçant les mystères de l’art poétique.

Elle inspire des vers de son meilleur cru,
A même de charmer les goûts les plus ardus.
Le verre qui grise t’a éloigné de moi,
J’en suis resté hagard, stupéfait et pantois.

J’étais dans un chagrin des plus ostentatoires,
Comme le noyé qui a perdu tout espoir.
Je brûlais d’un désir encore plus ardent,
Ne cessais d’espérer en dépit de mes dents.

Sans l’estime que je nourris à ton égard,
J’aurais pu déposer ce fardeau sur le tard.
Toi le talentueux poète de génie,
Hâte-toi de venir, le cercle est réuni.

Viens d’un pas résolu et pressé si possible;
Laisse la bouteille et arbore un air paisible,
Pour nous désaltérer de la limpide source
De l’inspiration qui déborde de ressources.

On te qualifie de source intarissable,
Et moi de fontaine de jouvence inlassable.
Ignore le verre ne fût-ce qu’un seul jour,
Daigne répondre à mon appel qui court toujours.

Pour nous réjouir et être de bonne humeur,
Au cours d’une soirée où règne le bonheur.
Donnons ainsi libre cours à nos sentiments
En composant des vers émaillés de diamants.