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En date du 24 août 1964, j'ai adressé à l'homme de lettres et poète de talent Driss Eljay le poème ci-dessous, accompagné de quelques lignes. Après les salutations d'usage, la lettre d'accompagnement commence ainsi:

Cette lettre émane d'un admirateur de ta vivacité d'esprit, de ton inspiration débordante, de ton éloquence discursive et de ton goût pour la rhétorique, autant de qualités qui se font de plus en plus rares auprès de la jeunesse des générations montantes qui, à ce que je vois, s'empêtre dans les ténèbres de l'ignorance, se débat de long en large dans les mers des querelles passionnées, sans pudeur ni gêne, sans peur ni reproches, se laissant séduire par l'aura des cultures étrangères à laquelle elle se soumet en aveugle, ne sachant rien d'elle-même, ballotée qu'elle est par les vagues de plus en plus hautes de la perdition, après avoir puisé aux sources de l'absurde jusqu'à la lie.

 

Mais, Dieu merci, des gens comme vous émergent de temps à autre, même si leur nombre diminue. Ils méritent qu'on leur voue estime et considération. Ceci met en exergue l'opinion que j'ai de vous et les sentiments que je nourris à votre égard. Preuve en est ce petit poème que mon inspiration m'a dicté pour illustrer l'admiration que je vous porte. J'espère que vous lui réserverez l'accueil qu'il mérite et que vous lui donnerez suite, afin de renforcer l'harmonie d'une relation qui cherche à s'établir et sceller des liens d'amitié aussi solides que durables.

 

D'un frère qui n'a pas été conçu par votre mère

 

Abderrahman Hajji

Je brûle d'un ardent désir de bien connaître
L'artiste de talent, qui sait parler en maître,

Eloquent orateur, poète émérite,
Artisan raffiné, orfèvre de mérite,

Lettré et cultivé, abîme de savoir,
Parlant toujours avec l'emphase du prétoire.

De par sa filiation, il gagne en prestige.
Sa lignée a produit plusieurs enfants prodiges,

Serviteurs de l'Etat, ministres par devoir,
Jouissant d'un renom tout sauf ostentatoire.

Puise dans son cours d'eau qu'il soigne et endigue
De joutes oratoires, de conseils qu'il prodigue.

J'ai pris un grand plaisir à ouir tous ses discours.
Je m'en repais et m'en délecte nuit et jour.

Mon souhait le plus cher est que ses causeries,
Viatique des lettrés, ne soient jamais taries.

Je voudrais être assidu à son écoute,
Car j'y trouve un très bon compagnon de route.

Elles me permettent d'enrichir mes connaissances
D'idées nouvelles conçues pour la circonstance.

Quel merveilleux poète et homme de lettres!
Il a ravi la palme à nombre d'autres reîtres.

Une grande envie d'écouter ses propos
S'empare de tout coeur et ce, fort à propos.

J'attends impatiemment le jour de ta visite
Pour me délecter des bons mots que tu récites.

Hâte-toi d'exhaucer mon voeu le plus précieux,
Sans cesser de brosser tes récits prodigieux.

Que tu es ingénieux de coeur comme d'esprit!
Tu rends le réel à travers l'imagerie.

Continue de soigner ton esprit créatif
Qui excite en moi un écho réflexif.

Mais l'ouie ne se substitue pas à la vue,
Qui est un rempart contre tous les imprévus.

Si mon état ne contraignait pas mes désirs,
Et qu'il m'eût permis de me lever pour sortir,

Je n'eusse point tardé à te rendre visite,
Mais le chronique mal qui me ronge et m'habite

M'oblige à garder le lit, de tourments angoissé,
Accablé de soucis, vaincu et terrassé.

La science ne lui a trouvé aucun remède
Et est impuissante à me venir en aide.

Je ne peux qu'exposer mes griefs au bon Dieu,
Seul pouvant exercer son pouvoir impérieux.

Si le coeur vous en dit, répondez à l'appel,
Hâtez-vous de venir, sans besoin de rappel.

Je vous fais un salut d'amitié et d'estime
Et vous place très haut, par delà toute cime.