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Venu pour s’enrichir sans honte à nos dépens,
Le conquérant secrète un venin de serpent.
Vantant ses mérites par un très beau discours
Il excelle souvent dans l’art des calembours.

Après des incursions et des combats fatals,
L’armée d’occupation fait halte et puis s’installe.
On nous ferme la bouche avec des muselières,
Et nous bande les yeux avec des serpilières.

Ecoutez, nous dit-on, et puis obéissez,
Sans être discourtois, sans paraître insensés.
Vous verrez à quel point nous sommes magnanimes,
Cléments et généreux, atteignant au sublime.

A vous quand il sera fait appel, répondez.
Pour gagner nos faveurs, accourez sans tarder.
Ne soyez surtout pas tentés par la critique.
Tout ce qui vient de nous est juste et authentique.

Ne vous souciez pas de la chose publique;
C’est un domaine où bien souvent l’on s’alambique.
Vous n’êtes pour rien dans le processus en cours,
Ouvrez les yeux, marchez à la clarté du jour.

Pour être en état de surmonter les épreuves
Et être toujours prêts à en fournir la preuve.
Faites donc montre de sagesse et de sérieux
Ne soyez attirés par aucun autre enjeu.

Laissez-vous tenter par les actions productives
Qu’on juge au résultat de vos initiatives.
Cherchez votre intérêt dans tous les arts utiles,
Que ne peut aborder l’esprit sot et futile.

Lorsque vous aurez bien vu l’exacte portée
De nos vertus et de toutes nos qualités,
Vous apprécierez mieux ce que vous apporte
Le Protectorat de bienfaits qui réconfortent.

Tout ceci est pour mieux imposer leur présence,
Nous maintenir sous le joug de leur dépendance
Et cacher les aspects de leur vile imposture
Derrière le brouillard de tant de forfaiture.

Nos villes sont placées dans un état de siège,
Les brèches vérrouillées pour nous y prendre au piège.
Le jour nous est caché par delà les murailles,
Où à peine des rais percent du soupirail.

Nous étions très longtemps privés de tous journaux;
C’était pire que le noir des sombres cachots.
Notre vie, à nos yeux, n’avait plus aucun sens.
Qui sait les complots qu’ils tramaient en notre absence?

La langue de l’intrus, selon notre jeunesse,
Serait plus subtile pour rendre les finesses
De l’art oratoire et exprimer les idées
Dans un style précis, de longueurs dénudé.

On les voit méprisés et toujours à la traîne
Suivre tête baissée la queue que l’intrus traîne,
Espérant être ainsi gratifiés d’un sourire
Objet de convoitise et d’un profond désir.

Heureux qui dans ses rangs ose lui faire part
De ses confidences, sur un ton plein d’égards.
S’il a plus de chance que tous ses congénères,
Il sera recruté à titre temporaire.

Il suivra les grades stricts de la hiérarchie
Limitée au plus bas salaire, un vrai gâchis!
Il ne prétendra à aucune promotion
Pour arranger tant soit peu sa situation.

On l’inscrira dans un cadre pour indigènes,
Où il restera à jamais en quarantaine;
Et doit se contenter de vivre au jour le jour
D’éloges très flatteurs, parés de beaux atours.

De la part du lion roi ils ont le privilège;
Leurs affaires marchent à l’abri des manèges.
Quant au natif, haï à cause de son teint,
Son lot se limite à quelques menus fretins.

Sur nous de tout leur poids pèsent impôts et taxes,
Sans que répits nous soient accordés ni relaxe.
Nous sommes très conscients de notre destinée,
Sur terre où “justice”! crient tous les damnés.

Lorsque nous verrons que nos intérêts subissent
Par delà nos efforts un grave préjudice,
Et qu’ils se mettent à brûler à petit feu,
Que ce soit en public ou en quelque autre lieu,

Nous serons poussés par un grand besoin d’agir
Pour entrer dans nos droits, quitte par le martyre.
La prise de conscience incite à la révolte
Où tout coup vaille nous combattrons leurs cohortes.

Nous leur ferons goûter le fiel de l’infortune,
Que nous ressentons le matin comme à la brune.
Quand un pouvoir ne veut pas prêter attention
Aux crimes et délits des agents en fonction,

Quand lâchement il se bouche les deux oreilles,
Pris d’un accès de crise à nul autre pareil,
Il devra tôt ou tard s’apprêter à subir,
Bourrelé de remords, regrets et repentirs.

Sa fin sera comme un lot de consolation
Permettant d’ouvrir la porte aux révolutions,
Qui donnent naissance à l’ère du renouveau,
Source d’énergie et foyer d’esprit nouveau.

Il en est de même pour bien d’autres nations,
Où l’obscurantisme mène aux malversations.
A l’infâme conduite des peuples affaiblis
Qu’une mer agitée jette dans ses replis,

Avec le faible espoir que l’été reviendra
Et que le retour d’un temps serein permettra
Au bâteau d’arriver sainement à bon port
Au grand soulagement des passagers à bord.

Ils auront leur salut en bien se ralliant
Au guide incontesté des jeunes, alliant
La franchise d’esprit aux qualités de coeur
Afin d’éradiquer le mal de la terreur

Dans une conscience de parfaite harmonie,
Au nom d’un peuple mûr, soulagé et uni,
Pour qu’il progresse dans l’esprit de la morale,
Des bonnes moeurs et d’un juste pacte social.