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“Nous avons le pouvoir des mots dans notre plume
Pour déclencher des vents fougueux de l’amertume”
— J.C. Blondel: C’est la loi des poètes.

Oh! ma plume qu’ils ont condamnée au silence (1)
En la soumettant à la loi de la violence,
Asservie, mise aux fers derrière les barreaux;
Inspire-leur la peur de l’épée au fourreau.

Sanctionner un guide, c’est entrer en conflit
Avec l’Etat de droit, seul juge des délits.
Branche où tant de bourgeons éclosent et fleurissent,
La plume embaume l’air d’arômes qui jaillissent.

Du jardin tu as fait une nymphe parée
D’une robe de noce et d’un voile pourpré.
Que de roses as-tu comparées aux joues fraîches
Honteuses d’accueillir un baiser rude et rêche.

Que de beautés as-tu fait règner sur les coeurs
Et agir en tyrans, pour comble de malheur!
De tant d’amants plaintifs tu as perdu la trace,
Que d’arrogants rétifs as-tu remis en place.

Que de sciences as-tu enseignées aux humains
Pour les orienter vers le juste et droit chemin
Et permettre au savant de conquérir l’espace
Jetant l’anathème sur le rustre pugnace.

Combien d’hommes puissants n’as-tu pas pourchassés;
Combien de tyrannies n’as-tu point dénoncées.
De têtes n’as-tu pas couronnées de lauriers,
De celles couronnées, n’as-tu pas fait plier!

Que de grands ici-bas ont été rabaissés,
Et leurs trônes tremblants aussitôt renversés.
Ton mode de pensée, les idées que tu brasses
En vers comme en prose sont un sabre efficace.

Matériau du savoir et moyen d’expression,
Tu es le seul outil de communication.
Tu places le peuple à l’endroit que s’est choisi
Le verdict qui retient le bel art du récit.

(1) Ce poème a été composé en 1954, un an après le départ de Mohammed V en exil.