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Je me souviens avec émotion des amis
D’antan, hommes d’esprit, à tous les dons promis.
Hélas! tous font semblant d’ignorer qu’un des leurs
Souffrant le martyre est assailli de douleur,

Cloué au pilori, prisonnier de son lit,
Condamné à boire le fiel jusqu’à la lie.
Le mal le traque comme une proie aux abois
Et lui souffle tantôt l’air chaud tantôt l’air froid.

La maladie qui le ronge n’a pas de fin;
Impuissant est l’homme, fût-il un séraphin,
De braver une résistance aussi farouche,
Qui en met d’un goût fade ou amer plein la bouche.

Lorsque deux médecins ne tombent pas d’accotd
Sur sa médication, le moins strict est en tort.
L’autre détient sur ceux que le mal a meurtris
Un pouvoir absolu, admis d’un coeur contrit.

Il prédit ainsi aux patients de son ressort
Qu’ils seront bientôt à l’article de la mort.
Il se montre souvent d’une telle arrogance
Qu’il finit par réduire tout le monde au silence.

Mais, quand le patient passe de vie à trépas,
Et que l’honoraire lui emboîte le pas,
Le médecin ainsi voit tarir ses entrées,
Et se montre peiné, consterné et navré.

Les proches du défunt désormais se libèrent
De payer des montants qui volent en poussière.
Ils versent des larmes pendant un certain temps,
Puis chassent le mort des mémoires pour longtemps.

De conflit en conflit, de misère en misère,
Ainsi se comporte l’humanité entière.
Si Dieu n’assurait pas ici-bas la relève,
L’homme n’attendrait point qu’un autre jour se lève.